Le décès de mes amis et collègues me rappelle que le droit international pénal est un projet à long terme. Peu importe les tumultes et crises du jour – et de nos jours il y en a beaucoup – tout ceci est juste un moment de l’histoire contemporaine. Nous y participons et y contribuons tous, et j’espère que l’idée perdurera pendant de nombreuses années. Cette idée commune, il me semble, est que des crimes terribles ne devraient pas rester impunis et qu’ils forment un problème collectif sur lequel nous devrions travailler ensemble. L’idée sera perfectionnée dans les décennies à venir, mais je pense qu’elle est d’ores et déjà importante et sérieuse.
Contrairement à de nombreux collègues, je n’ai pas eu la chance de travailler directement avec Antonio Cassese. Nous correspondions principalement par email. Alors que j’étais un jeune diplomate et avocat international, il est tombé sur une ou deux de mes publications et m’a encouragé à écrire davantage. Je l’ai fait, et l’habitude semble s’être installée.
Je suis extrêmement heureux et reconnaissant d’avoir reçu le prix Antonio Cassese. Mon projet concerne les limites de la justice, comme le principe de culpabilité, et comment le DIP peut aider à mettre en lumière ces limites. En DIP, les affaires sont extrêmes et ont lieu dans un contexte particulier. De ce fait, le DIP peut apporter de nouvelles problématiques nous faisant réaliser de nouvelles choses concernant nos intuitions de justice sous-jacentes. Ainsi, non seulement la théorie de la justice rétributive (ou pénale) peut apporter quelque chose au DIP, mais le DIP peut également contribuer à la théorie de la justice rétributive. Le prix Antonio Cassese a été exceptionnellement bénéfique, non seulement pour financer mes études doctorales sur ce sujet à Leiden, mais aussi afin pour faciliter ma participation à des conférences et séminaires qui ont grandement enrichi mes idées. J’ai grâce au prix écrit plusieurs articles et, en grande partie, un livre. J’espère que ma recherche aidera à faire évoluer le DIP de façon efficace et juste.
Enfin, mes derniers mots concernent l’une des façons dont Antonio Cassese m’a inspiré. Les écrits de Cassese ont toujours eu une place importante dans mon cœur. Mon travail sur les principes fondamentaux m’a conduit dans des domaines de la théorie de la justice rétributive qui ont souvent été très analytiques, abstraits et catégoriques. Certains courants de pensées affirment que nous pouvons logiquement dériver les principes nécessaires de préceptes a priori. Ma recherche a jusqu’à maintenant réaffirmé la sagesse de Cassese : nous ne devons pas nous méfier ou nous couper du sentiment. Mon expérience m’a éloigné des théories du fondationnalisme pour me diriger vers le constat que la justice est une conversation. La sagesse requiert à la fois la raison et l’empathie. Le cœur joue un rôle, peut être même un grand rôle, même dans nos principes les plus profondément ancrés.
Darryl Robinson (professeur à Queen’s University à Kingston).
Dans la photo ci-dessus, Darryl Robinson avec Sylvia Cassese, après avoir reçu le prix Antonio Cassese.